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[DECODE] Que vaut vraiment Uber?

Mise à jour
Uber a fait son entrée à Wall Street ce vendredi 10 mai au prix de 42 dollars par action, en dessous du prix d’introduction fixé à 45 dollars.

Uber entre en Bourse ce vendredi. Les documents légaux remis par l’entreprise de VTC à la Securities and Exchange Commission pour lancer son processus d’introduction ont été l’occasion d’opérer une rare plongée dans le business du géant américain. Ils permettent d’avoir une vue d’ensemble de la santé économique de l’entreprise. Un enjeu particulièrement crucial pour Uber qui a vu son principal concurrent, Lyft, essuyer des débuts difficiles sur le Nasdaq. À l’heure où nous rédigions cet article, ses actions se négociaient autour de 60 dollars, loin de son prix d’introduction de 72 dollars. Wall Street sera-t-il davantage prêt à miser sur Uber? Que vaut vraiment l’entreprise reprise en main par Dara Khosrowshahi après la difficile ère Travis Kalanick?

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« Nous continuerons à subir des pertes »

Uber a enregistré un chiffre d’affaires de 11,27 milliards de dollars en 2018 contre 7,93 milliards en 2017, soit une progression de 42%. L’entreprise est parvenue à dégager un bénéfice net de près d’un milliard de dollars, contre une perte de 4 milliards en 2017, mais cela est dû à des revenus exceptionnels provenant principalement de la vente de ses activités en Russie et en Asie du Sud-Est. La perte d’exploitation, qui reflète mieux la situation opérationnelle de l’entreprise, a quant à elle atteint 1,8 milliard de dollars. Au 31 décembre 2018, Uber avait accumulé un déficit de 7,9 milliards de dollars.

La société le reconnaît elle même, elle perdra encore de l’argent. «Nous prévoyons que nous continuerons à subir des pertes à court terme en raison de l’augmentation substantielle prévue de nos dépenses d’exploitation, car nous continuons d’investir afin: d’augmenter le nombre de conducteurs, de consommateurs, de restaurants, d’expéditeurs et de transporteurs utilisant nos services; via des incitations comme des réductions et promotions sur notre plateforme». À cela, l’entreprise ajoute les dépenses pour conquérir de nouveaux marchés, investir dans sa technologie, recruter ou encore proposer d’autres… «Beaucoup de nos efforts pour générer des revenus sont nouveaux et non éprouvés, et toute incapacité à augmenter les revenus de manière adéquate ou à contenir les coûts associés pourrait nous empêcher d’atteindre ou d’accroître notre rentabilité». L’entreprise admet qu’il se pourrait même qu’elle n’atteigne jamais la rentabilité…

Autre point préoccupant, le ralentissement de la croissance: Uber est parvenu à fidéliser 91 millions d’utilisateurs mensuels en 2018, 34% de plus que l’année précédente. Mais entre 2017 et 2018, ce chiffre avait bondi de 51%. Il en est de même pour le chiffres d’affaires. S’il a augmenté de 42% cette année, la progression avait été de 106% l’année précédente.

Uber n’est pas Lyft

Cependant, avec près de 25 milliards de dollars levés depuis sa création en 2009 et une valorisation à 76 milliards de dollars avant son entrée en Bourse, l’entreprise dirigée par Dara Khosrowshahi n’a pas manqué de soutien, notamment auprès des sociétés de capital-risque prêtes à miser sur le futur. Mais en sera-t-il de même à Wall Street où les gestionnaires de patrimoine et autres investisseurs sont jugés plus pragmatiques et attachés aux réelles performances financières des entreprises? En tout cas, fort probablement influencé par les déconvenues de Lyft, Uber a revu ses ambitions à la baisse en visant finalement une capitalisation boursière moins élevée que les 100 milliards évoqués il y a encore quelques mois. Désormais, le niveau de valorisation maximale espéré varie entre 83,8 milliards de dollars et un peu de 90 milliards avec un prix de l’action compris entre 44 et 50 dollars. (Finalement, Uber devrait faire son entrée à Wall Street vendredi au prix de 45 dollars l’action, en bas de la fourchette évoquée jusqu’ici).

Mais Uber n’est pas Lyft. Là où le second n’opère qu’aux États-Unis et au Canada et ne développe qu’une activité de VTC, Uber est présent dans plus de 63 pays, et 700 villes, et a étendu ses services à la livraison de repas, à la location de vélos et trottinettes en libre-service ou encore au transport routier avec Uber Freight. De plus, Lyft, qui pour l’instant perd aussi beaucoup d’argent à hauteur de  911 millions de dollars l’année dernière, ne jouit pas d’une reconnaissance de marque aussi forte qu’Uber.

 

Crédit: Barrons.com

 

Mais cela sera-t-il suffisant pour que le destin d’Uber en Bourse soit plus heureux? Pas si sûr. Comme le rappelle CNBC, en partant sur le scénario d’une capitalisation boursière qui atteindrait 83,8 milliards de dollars, cela ferait de l’entreprise la 65e société la plus valorisée aux États-Unis derrière DowDuPont et devant Bancorp, des sociétés qui ont respectivement dégagé 3,8 milliards de dollars et de 7,1 milliards de dollars de bénéfice net l’année passée. Ainsi pourquoi les investisseurs publics feraient-t-ils le choix de miser sur une entreprise qui n’a pas encore éprouvé son modèle économique?

Le succès d’Uber en Bourse sera donc un thermomètre pour l’ensemble des entreprises de la Tech. Wall Street va-t-il financer à hauteur de près de 90 milliards de dollars une entreprise qui au-delà de lourdes pertes enregistre un ralentissement de sa croissance? Cela, au risque peut-être d’alimenter une bulle que certains comparent à celle de 2001…

Des promotions pour les utilisateurs et des incitations pour les chauffeurs qui pèsent lourds dans les comptes d’Uber

Finalement, qu’est-ce qui fait la valeur d’Uber? «Notre mission est de créer des opportunités en mettant le monde en mouvement», explique l’entreprise, qui se voit comme une plateforme globale autour de la mobilité, dans son prospectus d’entrée en Bourse. Pour ses activités historiques, elle estime que le potentiel est encore vaste: «Nous avons révolutionné la mobilité des personnes avec les VTC, et nous exploitons notre plateforme pour redéfinir les industries de la distribution de repas et de la logistique. […] Nous ne faisons que commencer: dans les 63 pays où nous exerçons nos activités, seuls 2% de la population a utilisé nos offres pour le trimestre clos le 31 décembre 2018, sur la base des MAPC [Monthly Active Platform Consumers, Ndlr]».

Mais c’est son modèle même qui pose question. Dans les revenus bruts issus des trajets en voitures et des livraisons de repas, presque tout est englouti par la partie qui sert à rémunérer les chauffeurs, celle qui revient aux restaurateurs et aux livreurs puis par les incitations accordées aux conducteurs pour les encourager à utiliser Uber plutôt qu’une autre plateforme. «Nous pouvons choisir d’utiliser des incitations, telles que des promotions pour les chauffeurs et les consommateurs, pour attirer les utilisateurs de la plateforme des deux côtés de notre réseau. Cela peut générer une marge négative jusqu’à ce que nous atteignions une taille suffisante pour réduire les incitation », explique la firme américaine. 

Modèle financier et opérationnel la principale plateforme d’Uber

En milliards. Exercice clos le 31 décembre 2018. Crédit: Uber, S-1 Filing.

 

Deux conditions sine qua non pour un avenir radieux

Et face aux concurrents qui utilisent la même méthode en multipliant les promotions pour les utilisateurs ou les incitations pour les chauffeurs, Uber n’a pour l’instant aucune intention de ralentir sur ce point. «Nous choisirons généralement d’adapter nos incitations, même si cela génère une marge négative, afin de tenir face à la concurrence et de développer nos activités». Et l’entreprise d’expliquer, «de manière générale, pour un marché géographique donné, nous pensons que l’opérateur avec le plus grand réseau aura une marge plus élevée que l’opérateur avec le plus petit réseau». 

En plus de ce que l’entreprise pourrait dégager si elle parvient à éliminer la concurrence, elle mise sur ses projets du futur. On y retrouve notamment le développement de la voiture autonome, qui permettrait par la même occasion de supprimer le recours aux chauffeurs. À cela s’ajoute Uber Elevate, son projet de taxis volants dont elle prévoit le lancement pour 2023. Mais en attendant, ces deux projets pèsent surtout sur sa rentabilité à long terme. Rien que l’année dernière l’entreprise y a consacré 457 millions de dollars en R&D. Au total, les coûts en R&D de la firme américaine ont atteint plus de 1,5 milliard de dollars en 2018.

Finalement, miser sur Uber revient à parier sur le fait que l’entreprise parviendra effectivement à éliminer la concurrence sur ses marchés historiques pour être maître de la fixation des prix et dégager des bénéfices, et sur le fait que la société réussira à transformer ses projets du futur en réelles entreprises. Et cela, en laissant de côté les autres variables, comme la grogne des chauffeurs un peu partout dans le monde qui met en péril son modèle économique ou encore les essais de voitures autonomes pas tout à fait concluants.

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